Pélagie
Le frérot n'a pas toujours été ce jeune homme qui laisse des commentaires avec plein d'abréviations. Il a autrefois été un petit garçon blondinet, qui suçait son doigt dans son pyjama rouge en attendant sagement que ses parents viennent lui dire bonne nuit. Il savait que sa mère ne passerait pas seulement pour lui souhaiter de beaux rêves et lui faire un bisou. Il savait aussi qu'il y aurait une histoire.
Cette histoire était chaque soir un événement. C'était parfois dans la chambre de sa soeur où on se mettait en rang d'oignon sur le lit avec le livre sur les genoux de maman, ou alors dans son lit avec sa soeur callée dans le coin et papa assis sur le lit en face de ses enfants pour qu'on puisse voir tous les gestes. Notre père était très fort pour inventer une histoire tous les soirs, avec maintes onomatopées pour son fiston qui aimait les histoires de pompiers coincés dans les échelles ou d'avions à bouchons pour boucher les trous d'air (car comme chacun le sait, un trou d'air est un trou dans la carlingue qui laisse passer l'air et qu'il faut reboucher avec un bouchon de champagne, qui malheureusement saute parfois avec un gros POP).
Maman pour sa part était très douée pour donner vie aux livres de notre bibliothèque et passer des heures sur chaque image à commenter tous les détails. Et de tous nos livres, Pélagie la sorcière resta celui le plus longtemps au sommet de la pile. Le frérot se passionnait pour la maison de Pélagie, toute noire et surtout pour le pauvre chat Rodolphe qui se faisait piétiner dès qu'il avait le malheur de fermer les yeux. Notre baby sitter fut également mise à contribution et nous lut régulièrement le livre de prédilection. L'engouement pour cette histoire fut tel que lorsqu'un chat noir vint habiter chez nous, il fut évident qu'il ne pouvait s'appeler que Rodolphe.
Pélagie a marqué notre enfance. Rodolphe reste dans notre coeur. Et Pélagie la sorcière fait aujourd'hui enfin partie de ma bibliothèque.